mercredi 30 octobre 2013

Stagiaire à Pékin - Chapitre 1 : Stupéfaction

Il y a deux ans de cela, je me rendais à Pékin pour un stage de 6 mois au sein d'un grand groupe hôtelier. Voici le récit et les clichés de cette étrange aventure.




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Chapitre 1 : Stupéfaction



                  Je sors de terre et pose un premier pied sur Pékin. 
  
                  Face à moi l'immensité d'un hôtel infini. Grande tour de verre sombre qui sera mon lieu de travail, mon espace de vie, ma maison durant six mois. 

                  On me fait patienter dans un hall faussement luxueux. Une heure plus tard, j'entre flageolante dans le bureau de Monsieur S., directeur du complexe hôtelier. 
"Bienvenue mademoiselle. Prenez place". Il ne vient pas de mon pays mais nous parlons la même langue. Cela aurait pu me rassurer si le charisme de l'homme et son ton sec ne rendaient pas le fossé, qui nous séparait alors, parfaitement infranchissable. Visage plein, chaussures vernies et gros cigares. L'air d'un homme face à qui tout le monde file droit. 
"Sachez une chose mademoiselle... Je vois tout et je sais TOUT ce qu'il se passe dans cet hôtel. Il y a des caméras dans tous les couloirs et je surveille les moindres faits et gestes de mes stagiaires. Il est interdit de fricoter entre stagiaires, et vous n'êtes pas autorisée à inviter qui que ce soit le soir dans votre chambre, particulièrement des hommes. Sur ce, bon weekend, vous commencez lundi." 
...Choc. 
J'étais à la fois outrée et terrorisée par le discours de Monsieur BigBrother. Mais, étrangement, la première chose à laquelle je pensai alors n'était pas : "Comment ose-t-il attenter à ma vie privée de la sorte ?" mais bien : "Mais enfin, pour qui me prend-il ??". Naïve petite stagiaire que j'incarnais encore, mais pour combien de temps...


Mon premier ami chinois, fan inconditionnel de Rihanna


                  Je décide donc de profiter de mes quelques journées de repos pour visiter la ville. 
Premier constat : Pékin l'été est chaude et suffocante. La pollution et la lourdeur de l'air brûlant gênent la visibilité. Je me traine difficilement sous les 40° d'un soleil invisible. 
Je découvre la rigueur communiste de la place Tian'anmen, comme son lourd et effrayant passé. Je pense aux étudiants de mon âge massacrés là, l'année de ma naissance. Le portrait de Mao trône fièrement aux portes de la Cité Interdite. 
C'est alors qu'un jeune chinois d'à peine 17 ans vient interrompre ma divagation. Il s'adresse à moi dans un anglais incertain et me sourit largement. Si j'avais lu les recommandations de l'ambassade de France, je ne l'aurais pas suivi à travers la ville. Je n'aurais pas su qu'il existait des fans de Rihanna à l'autre bout du monde et qu'on pouvait manger des assiettes gigantesques de riz et de mets indéterminés pour 10 kuai seulement, 1 euro, en sous-sol des grands magasins. 

Entrée de la cité interdite, en plein mois d'Août


                  Lors de mes virées quotidiennes à l'assaut de la ville, je suis surprise par les multitudes d’expressions sur les visages des chinois. Sans trop savoir pourquoi, j’imaginais une population discrète, réservée, travailleuse, comme une grande fourmilière. Je me trouve alors étonnée par l’individualité de chacun, leurs nombreux éclats de rire et leurs discussions mouvementées. D’ailleurs si les discussions sont longues et fortes, elles ne sont pas forcément houleuses. Quel que soit le sujet, les chinois conversent à un niveau sonore soutenu, peut-être imposé par le surpeuplement qui pèse sur la ville. En effet, il y a du monde partout, tout le temps. Je me noie dans les marées qui s'affrontent à l'entrée des métros. La politesse à l'européenne n'est pas de mise, on fonce dans le tas ! Etrangement, les alentours de l’hôtel sont peut-être les seuls endroits calmes de la ville. 

                  Plutôt que curieux, les chinois me semblent intéressés par les nouveaux contacts. Le "réseau" est aussi primordial ici que dans les grandes écoles de commerce françaises... Chacun sa petite carte, qu'on échange respectueusement. 
Que je les croise dans les couloirs de l'hôtel ou dans la rue, ils sont presque toujours aidants et souriants. Ils me couvrent d'attentions et de sucreries. Ainsi, malgré mon incapacité linguistique, je ne rencontre aucune difficulté lors de mes déplacements ou de mes visites, étant toujours soutenue par un chinois intrigué. 


Promenades enchantées - Premiers jours à Pékin


                 
 Puis, peu à peu, l'insouciance de ces flâneries laisse place à l'angoisse de l'imminence du premier jour de travail dans cet univers inconnu, qui devrait changer à jamais mes croyances sur le monde... (Sacré phrase cliché que je vous sers là mais bon, faut bien que je tente de vous tenir -un tout petit peu- en haleine dans ce long voyage ! ;))







dimanche 27 octobre 2013

Stagiaire à Pékin - Introduction : L'arrivée

Cela fait presque un an que j'essaye de trouver le moyen de vous parler de la Chine. 

Le sujet est si vaste et ma vision si étroite que j'ose à peine vous livrer mon expérience. Je ne sais rien de la Chine, si ce n'est que j'y ai vécu et travaillé durant six mois.  De longues et éprouvantes semaines qui, en un sens, ont bouleversé ma vie. 
C'est là-bas que j'ai rencontré l'homme qui m'a encouragée à écrire. Il était directeur d'une école à Shanghai et affirmait qu'il était primordial de partager son apprentissage et son ressenti, toujours, même ceux qui nous paraissent les plus insignifiants. Dévoiler ses impressions naïves, c'est déjà permettre un échange et s'offrir une chance d'évoluer.

Alors c'est sans doute trop tard pour le dire mais, il y a deux ans de cela, je me rendais à Pékin pour un stage de 6 mois au sein d'un grand groupe hôtelier. Et -si vous êtes prêts à embarquer avec moi- je vais vous raconter cette aventure, avant qu'elle ne perde tout à fait son sens...



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Introduction : L'arrivée


Le survol de Pékin donne le vertige. Un vaste chantier de tours, toutes plus hautes les unes que les autres, à perte de vue, en quadrillage parfait. On est loin du déploiement organique de nos villes, dont la densité parait soudain ridicule.
J'atterris dans un aéroport d'une immensité et d'une propreté affolantes. L'air y est plus humide qu'à Paris. Perdue, je reste interdite face à ce spectacle de supériorité qu'offre la Chine à l'étranger qui débarque. "Like that since the Olympic Games..." me souffle mon nouvel ami chinois, rencontré dans l'avion.




Face à mon désarroi, il me propose tout naturellement de m'accompagner jusqu'à l'adresse chiffonnée que je lui tends. Extrêmement surprise mais soulagée, j'accepte sans trop d'hésitations. Ainsi, nous nous engouffrons tous deux dans l'angoissant petit train perché sur un pont qui devra nous conduire jusqu'à l'infinité de la ville.